Cour pénale internationale : les Etats-Unis passent à l’acte !

La FIDH appelle les Etats de l’Union européenne à accroître d’urgence le montant de leur aide à l’ensemble des Etats sanctionnés par l’administration américaine

Aujourd’hui l’administration américaine a mis en application sa menace de couper une aide militaire qui s’élève à plus de 82 millions de dollars US à 32 pays ayant résisté aux pressions visant à garantir que les nationaux américains ne seront jamais poursuivis devant la Cour pénale internationale (CPI).

« La décision jusqu’auboutiste de Georges W. Bush reflète la paranoïa américaine vis à vis de la CPI » s’est indigné Sidiki Kaba, Président de la FIDH. « Les pays ayant su résister aux pressions doivent être applaudis, cependant, nul n’est dupe que beaucoup d’autres Etats auraient aimé pouvoir en faire autant, mais n’en avaient ni la capacité, ni les moyens » a-t-il rajouté.

La loi HR4775 "American Service Members’ Protection Act" (ASPA), passée dans le contexte législatif de la loi de finance en réponse aux attaques terroristes sur les Etats-Unis, constitue la doctrine publique des Etats-Unis vis-à-vis de la CPI. La section 2007 de cette loi interdit toute assistance militaire avec la plupart des États ayant ratifié le Statut de Rome. Il est prévu en effet que, un an après l’entrée en vigueur de la Cour, aucune assistance militaire américaine ne sera fournie à un Etat Partie à la CPI.

Cependant la loi prévoit que certains Etats peuvent être exemptés conformément à l’intérêt national américain. Ainsi, la clause de non-assistance n’est pas applicable aux Etats membres de l’OTAN, aux alliés essentiels bien que non-membres de l’OTAN (y compris Australie, Egypte, Israël, Japon, Jordanie, Argentine, République de Corée, Nouvelle Zélande) ainsi que Taiwan. De même, le Président peut revoir l’interdiction si l’Etat en question a passé un accord avec les Etats-Unis conformément à l’article 98 du Statut qui interdirait explicitement la remise d’un américain à la CPI.

La CPI est entrée en vigueur le 1 juillet 2002 devenant ainsi la première juridiction pénale internationale ayant vocation à enquêter et poursuivre les auteurs présumés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Le 2 août 2002, George W. Bush signe l’ASPA. La doctrine américaine vis-à-vis de la CPI est désormais inscrite dans le droit interne. Mais les Etats-Unis doivent aussi s’assurer qu’aucun de ses nationaux, civil, diplomate ou militaire, se trouvant en dehors du territoire américain, ne pourra être "inquiété" par la Cour. C’est pourquoi la négociation d’une résolution au sein du Conseil de Sécurité pour limiter la compétence de la CPI à leur égard et la négociations d’accords bilatéraux d’impunité pour éviter toute remise à la Cour de ressortissants américains viennent compléter l’ASPA sur le plan international.

Depuis la fin juillet 2002, les Etats-Unis ont approché quasiment tous les pays du monde, sur les cinq continents dans le but de signer avec ces Etats des accords bilatéraux garantissant le non-transfert des ressortissants américains devant la CPI, estimant qu’ils peuvent être la cible de procès à motivation politique réclamés par des pays "hostiles". Au total, environ 180 démarches auraient été entreprises.

Les accords bilatéraux d’impunité sont rédigés comme suit
"2. Les ressortissants d’un Parti au présent Traité présents sur le territoire de l’autre Etat Partie, ne doivent pas, en l’absence du consentement expresse de la première Partie :
a. être transférés à la CPI
b. être transférés à une autre entité ou à un Pays tiers, dans le but d’être transférés devant la CPI
3. Lorsque les Etats-Unis extradent, remettent ou transfèrent une personne ressortissant de l’autre Partie à l’accord vers un pays tiers, les Etats-Unis s’engagent à ne pas accepter la remise ou le transfert de cette personne à la Cour pénale internationale par le pays tiers, sauf en cas de consentement exprès du Gouvernement de X.
4. Lorsque le Gouvernement de X extrade, remet ou transfère une personne ressortissant des Etats-Unis d’Amérique vers un pays tiers, le Gouvernement de X s’engage à ne pas accepter la remise ou le transfert de cette personne à la Cour pénale internationale par un pays tiers, sauf en cas de consentement exprès du Gouvernement des Etats-Unis."

Un paragraphe additionnel est inclus dans les accords pour les pays qui ne sont pas parties ou signataires du Statut de Rome :

"Chaque Partie accepte, sous réserve de ses obligations juridiques internationales, de ne délibérément faciliter, consentir à ou coopérer aux efforts de toute partie ou tout Etat tiers d’extrader, remettre ou transférer une personne ressortissant de l’autre Partie à l’accord à la Cour pénale internationale."

Il va sans dire que les pressions dirigées contre les pays pour les pousser à signer des accords bilatéraux d’impunité sont immenses et s’exerçent à la fois sur le plan économique, militaire et politique.

A ce jour, 65 accords d’impunité auraient été signés avec les Etats Unis. La décision de ce jour de couper les aides militaires à 32 pays sur les cinq continents est une sanction à l’égard des pays ayant su ou pu résister aux pressions américaines.

Ainsi, 9 Etats verront leur aide militaire supprimée à savoir, l’Afrique du sud à hauteur de 7.6 millions de US$, le Bénin 500 000 US$, le Kenya 7.1 millions US$, le Lesotho 125 000 US $, le Mali 250 000 US $, la Namibie 225 000 US $, le Niger 200 000 US $, la République centrafricaine 150 000 US $ et la Tanzanie 230 000 US $.

Sur le continent sud américain, 9 Etats verront leur aide militaire supprimée à savoir le Belize à hauteur de 400 000 US $, le Brésil de 500 000 US $, le Costa Rica de 400 00 US $, l’Equateur de 15.65 millions de US $, le Mexique de 1.27 million de US$, le Paraguay de 300 000 US$, le Pérou de 2.7 millions de US $, l’Uruguay de 1.45 million de US $ et le Venezuela de 700 000 US $.

Sur le continent européen, ce sont les pays d’Europe de l’est qui sont visés à savoir la Bulgarie qui se voit refuser 9.85 millions de US $, l’Estonie 7.45 millions de US $, la Lituanie 8.2 millions de US $, la Lettonie 7.45 millions de US $, la Slovénie 4.95 millions de US $ et la Slovaquie 8.95 millions de US $. Il s’agit également de Malte à hauteur de 1.25 millions de US $.

Dans les Balkans, la Croatie se voit retirer 5.8 millions de US $ et la Serbie et Monténégro 500 000 US $.

Dans le Pacifique, Fiji à hauteur de 200 000 US $, Samoa 150 000 US $ et Trinidad et Tobago 450 000 US $ ne recevront pas d’aide militaire de la part des Etats Unis pour l’année fiscale 2004 qui débute ce jour.

Les pays du CARICOM ne sont pas en reste puisque les Barbade, Antigua et la Barbuda, Dominique et St Vincent et les Grenadines ne recevront pas les 2.7 millions de US $ en aide militaire. Dans le même sens les Bahamas se voient refuser 240 000 US $.

La FIDH félicite et encourage les Etats résistants à persévérer dans cette voix.

Elle appelle en outre les Etats développés, à commencer par l’Union européenne à respecter leurs obligation internationale en matière d’aide publique au développement (0.7 % de leur PIB) ce qui aurait pour effet de conforter la position des pays résistant et d’apporter une aide à l’ensemble des Etats déjà sanctionnés par l’administration américaine.

Pour en savoir plus sur les démarches américaines contre la CPI, vous pouvez également consulter le rapport de la FIDH « Non à l’exception américaine » sur le site Internet de la FIDH
www.fidh.org/justice/rapport/2002/cpi345n8.pdf

Contacts presse : 01 43 55 25 18

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