Confirmation en appel de la condamnation du journaliste Fahem Boukaddous à quatre ans d’emprisonnement

07/07/2010
Communiqué

Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dénoncent avec vigueur la condamnation du journaliste tunisien Fahem Boukaddous à quatre ans d’emprisonnement.

Le 6 juillet 2010, la Cour d’appel de Gafsa a confirmé la peine d’emprisonnement de quatre ans prononcée en première instance à l’encontre de M. Fahem Boukaddous, journaliste correspondant de la télévision satellitaire Al Hiwar Al Tounisi et du site d’information en ligne Al Badil pour “participation à une entente visant à préparer et à commettre des agressions contre des personnes et des biens”. M. Boukaddous, hospitalisé dans la ville de Sousse pour des problèmes respiratoires n’a pu assister à l’audience. Ses avocats avaient d’ailleurs demandé le report de l’audience.

Cette décision intervient au terme d’une procédure initiée en 2008, à la suite de laquelle M. Boukaddous avait été condamné par contumace en décembre 2008 à une peine de six ans d’incarcération suite à la publication par le journaliste d’une série d’articles et de reportages visant à mettre en lumière la répression du mouvement social pacifique qui avait animé la région de Gafsa-Redeyef en 2008. Cette décision avait été confirmée en appel le 3 février 2009. Suite à la libération conditionnelle des personnes du mouvement de Gafsa-Redeyef condamnées lors de la vague de procès du bassin minier en novembre 2009, M. Boukaddous s’était présenté aux autorités, et une nouvelle procédure avait été initiée à son encontre.

A l’heure de la publication de ce communiqué, M. Boukaddous était toujours hospitalisé à l’hôpital de Sousse et la police politique encerclait l’hôpital et faisait pression sur les médecins pour qu’ils autorisent M. Boukaddous à quitter l’hôpital afin de pouvoir l’arrêter.

Le REMDH et l’Observatoire ont dépêché une série de missions d’observation de haut niveau les 23 février, 23 mars et 27 avril afin d’observer les conditions de déroulement de la procédure pénale à l’encontre de M. Boukaddous. Les conclusions de ces observations indiquent que les garanties du droit à un procès équitables n’ont pas été respectées, avec notamment des atteintes répétées aux droits de la défense. De plus, l’accès au Palais de justice de Gafsa a été restreint de manière injustifiée à plusieurs reprises, un contrôle policier empêchant l’accès à certains avocats, journalistes et défenseurs en violation du principe de publicité des débats.

“Ce procès illustre de façon dramatique la situation de la liberté d’expression en Tunisie” a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH, “il est clair que ce verdict très sévère n’a pas d’autre motivation que de condamner un journaliste pour avoir exercé son travail de façon indépendante”.

“Aujourd’hui, nous craignons que M. Boukaddous n’ait pas accès aux soins requis par son état lors de sa détention”, a ajouté Eric Sottas, secrétaire général de l’OMCT. “A ce titre, les autorités tunisiennes devront assumer leur responsabilité dans le cas d’une dégradation de l’état de santé de M. Boukaddous”.

“Cette nouvelle condamnation prouve clairement que les autorités tunisiennes n’ont pas clos le dossier du bassin minier de Gafsa-Redeyef”, a déclaré Kamel Jendoubi, président du REMDH. “Non seulement les anciens détenus de Gafsa n’ont toujours pas été rétablis dans leurs droits, mais la répression se poursuit contre les syndicalistes et les journalistes”.

Récemment en effet, le syndicaliste Hassan Benabdallah, qui s’était également rendu aux autorités fin décembre 2009 suite à la libération conditionnelle des détenus du mouvement de Gafsa-Redeyef, a été condamné par la même cour d’appel à quatre années et six mois d’emprisonnement pour des motifs similaires. M. Mohieddine Cherbib, l’un des principaux animateurs en France du mouvement de solidarité avec les victimes de la répression du bassin minier demeure quant à lui sous le coup d’une condamnation par contumace de deux ans et deux mois d’emprisonnement.

Nos organisations appellent les autorités tunisiennes à garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Fahem Boukaddous et leur demandent une nouvelle fois de mettre un terme au harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme et des journalistes indépendants - dont MM. Fahem Boukaddous, Hassan Benabdallah et Mohieddine Cherbib - et de se conformer à leurs engagements internationaux et régionaux en matière de protection des droits de l’Homme.

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