Combattre la haine d’où qu’elle vienne

01/04/2011
Communiqué

Tribune de Sophie Bessis, secrétaire générale adjointe de la FIDH, publiée le 31 mars 2011 dans un quotidien tunisien, La Presse.

Par Sophie BESSIS

Je n’ai pas pour habitude de me définir par mon appartenance dite confessionnelle. Au contraire, je n’ai cessé de combattre les assignations communautaires dans lesquelles de toutes parts on veut enfermer les humains. Mais l’appel aux juifs tunisiens à émigrer en Israël lancé il y a quelques jours par un ministre israélien — au motif qu’ils seraient en danger — m’y oblige. Les juifs ne seraient pas en sécurité dans la Tunisie d’après-révolution, voilà le message. Rappelons d’abord que tous les Tunisiens, sans exception, souffrent du ralentissement de l’activité économique et de l’affaiblissement des structures sécuritaires consécutifs aux secousses des derniers mois.

Mais il me faut aller plus loin. Au-delà de mes convictions personnelles, ma nomination comme membre de la Haute instance pour la sauvegarde de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique a valeur de symbole : ce que la Tunisie démocratique veut dire, au travers de mon nom, c’est que les membres de cette instance sont tous des citoyens à part entière, sans quelque distinction que ce soit. Cela gêne ceux qui voudraient que les juifs ne soient nulle part chez eux dans le monde arabe, qui nient la profondeur de notre histoire commune malgré tous les orages qui l’ont traversée.

Doit-on, pour autant, refuser de voir la réalité ? Oui, l’antisémitisme existe dans notre pays, comme dans bien d’autres. Oui, quelques dizaines de fanatiques ont manifesté publiquement le leur dans les rues de Tunis. Il faut les combattre. Comme il faut combattre partout les manifestations de haine de l’autre, d’où qu’elles viennent. Comme on voudrait que soit plus énergiquement combattu le racisme anti-arabe qui ne cesse de prospérer en Israël.

Que les dirigeants israéliens cessent donc d’instrumentaliser les juifs du monde au profit de leur inadmissible politique vis-à-vis du peuple palestinien privé de pays et de leurs compatriotes arabes dépouillés des attributs d’une pleine citoyenneté. Qu’ils agissent enfin pour faire taire leurs propres mouvements extrémistes. Que les Israéliens soient plus nombreux à se battre contre un racisme qui gangrène leur société. Et qu’ils sachent qu’il y a bien plus de démocrates tunisiens qu’ils ne le pensent, pour lutter ici, en Tunisie, contre un fléau dont elle n’a pas le monopole.

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