Bélarus : condamné, emprisonné, réduit au silence

18/07/2012
Communiqué
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Par Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme

BRUXELLES - Ales Bialiatski, nominé au prix Nobel de la paix, vice-président de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme et président du Centre belarusse de défense des droits de l’homme Viasna, a été arrêté il y a maintenant presque un an, le 4 août 2011, et condamné à quatre années et demie d’emprisonnement.

Pour mettre fin à son dévouement inébranlable à la cause de la promotion et de la protection des droits de l’homme au Bélarus, le régime de Loukachenko a fabriqué de fausses preuves d’évasion fiscale en novembre 2011 et a immédiatement organisé un procès aux motivations politiques notoires qui a envoyé derrière les barreaux ce défenseur renommé des droits de l’homme.
Une fois que les premières réactions scandalisées et les déclarations publiques de l’UE se sont éteintes, que se passe-t-il exactement derrière les barreaux ?
Ces dernières semaines, l’administration pénitentiaire a réduit de façon drastique la taille des colis alimentaires qu’Ales est autorisé à recevoir. Elle a également réduit son droit de visite, déjà minime. D’autres détenus ont été punis pour lui avoir parlé. Des sanctions disciplinaires lui ont été imposées, de même que des corvées supplémentaires. Ces sanctions signifient qu’il ne pourra ni bénéficier d’une amnistie ni être libéré de façon anticipée.
Ales Bialiatski n’est pas la première victime de ce harcèlement pénitentiaire orchestré d’en haut afin de briser psychologiquement les prisonniers politiques. L’ancien candidat à l’élection présidentielle Andreï Sannikov a subi un traitement similaire.
Quand Loukachenko a assisté à la finale de l’Euro 2012 de football, Ales Bialiatski aurait dû être bien loin de ses préoccupations. Mais la vérité, c’est que le défenseur des droits de l’homme demeure une épine dans le pied du régime belarusse, une irritation qui refuse de disparaître.
Car en dépit des mesures de plus en plus inquiétantes qui sont prises à son égard afin de le forcer à reconnaître publiquement sa culpabilité, Ales tient bon. Mais le courage dont il fait preuve derrière les barreaux doit trouver un écho au sein de l’UE.
Comment l’UE gère-t-elle les dictateurs tels que Loukachenko ?
Si l’Union doit être saluée pour son soutien à la résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU le 5 juillet, qui a établi un Rapporteur spécial des Nations unies pour le Bélarus, elle doit cependant faire davantage. Quatorze prisonniers politiques sont toujours emprisonnés, et des libérations sporadiques comme celles de Sannikov et de Bondarenko en avril permettent au régime de gagner du temps et d’éviter de subir de nouvelles sanctions de la part de l’UE.
Depuis ces libérations, la situation a empiré pour les prisonniers politiques. Quant au journaliste polonais Poczobut, même s’il a été remis en liberté, il est toujours sous le coup d’accusations qui pourraient lui valoir, au total, une condamnation à sept ans de prison. La loi d’amnistie signée par Loukachenko le 10 juillet contient délibérément des critères qui en excluent les prisonniers politiques.
Le régime belarusse souhaite convaincre l’UE que celle-ci devrait réduire la pression qu’elle exerce sur lui et s’engager dans un dialogue inconditionnel. Il est primordial que l’UE continue fermement d’exiger la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques comme préalable à tout rapprochement.
Les États membres de l’Union ont attendu le printemps dernier avant d’adopter des mesures sérieuses visant des personnes données et des organisations fournissant un soutien financier au régime répressif de Loukachenko.
Pour empêcher ce régime de continuer de survivre aux dépens du peuple belarusse, il est indispensable d’adopter une approche cohérente combinant sanctions ciblées visant ces « porteurs de valises » et mise face à leurs responsabilités des entreprises de l’UE qui investissent dans l’économie belarusse.
Lors de la quatrième réunion des ministres des Affaires étrangères du Partenariat oriental (les 23-24 juillet à Bruxelles), l’UE doit prendre position fermement et sans compromis à l’égard du dernier dictateur d’Europe. Cela constituerait une expression concrète de l’engagement politique pris par les Vingt-Sept lors de l’adoption, en juin dernier, du Cadre stratégique de l’UE pour les droits de l’homme et la démocratie.
L’UE devrait également continuer de rencontrer des leaders de l’opposition et de soutenir la société civile indépendante, surtout aujourd’hui, quand le régime empêche systématiquement ceux qu’il perçoit comme étant ses adversaires de sortir d’un pays qui ressemble de plus en plus à une prison géante, ce qui empêche l’UE d’établir avec le Bélarus un dialogue sur la modernisation. Puisque le Bélarus refuse toujours de négocier sur la facilitation de la délivrance de visas, l’UE doit proposer des solutions alternatives afin de permettre au peuple belarusse de respirer.
Ales Bialiatski a-t-il trouvé un écho ? Son silence est-il si lourd qu’il résonne dans l’esprit de Loukachenko ? Le temps le dira. La Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme va continuer à suivre de près les relations de l’UE avec le Bélarus.
Que notre ami Ales et tous les défenseurs des droits de l’homme emprisonnés sachent que leurs voix sont entendues.

L’article est disponible : http://euobserver.com/7/116998

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