Actes de violence à l’encontre de M. Alioune Tine et de M. Oumar Diallo / Propos hostiles à l’encontre de la société civile - SEN 001 / 0611 / OBS 094

24/06/2011
Appel urgent

L’Observatoire a été informé d’actes de violence à l’encontre de M. Alioune Tine, président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO) à Dakar, et de M. Oumar Diallo, membre de la RADDHO et de l’Assemblée générale de l’OMCT, ainsi que de propos diffamatoires et hostiles à l’encontre de la société civile sénégalaise.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Sénégal.


Description de la situation :

Selon les informations reçues, le 23 juin 2011, MM. Alioune Tine et Oumar Diallo ont été blessés par des membres du Parti démocratique sénégalais (PDS) armés de bâtons et de pierres, lors d’un rassemblement de plusieurs organisations de la société civile devant l’Assemblée nationale afin de protester contre le projet de loi sur le "ticket présidentiel" qui devait y être présenté ce jour[1]. MM. Tine et Diallo, qui avaient perdu conscience, ont été conduits à l’hôpital principal de Dakar afin d’y recevoir des soins.

Le 22 juin 2011, plusieurs radios et chaines de télévision sénégalaises avaient par ailleurs diffusé les propos tenus à la presse par le premier ministre le 21 juin. Le Premier Ministre aurait critiqué la société civile dans son ensemble et se serait alors directement pris à M. Alioune Tine en ces termes : “il faut que M. Alioune Tine se calme. Voilà quelqu’un qui est à la tête d’une ONG depuis plus de 20 ans, sans que personne ne sache comment [elle] fonctionne (…) Il va et vient en fonction des intérêts qu’il prétend défendre”. M. Alioune Tine ferait par ailleurs l’objet de menaces pour son intégrité physique, certaines sources fiables ayant récemment été informées d’un plan de liquidation à son encontre.

Par ailleurs, le 22 juin, le premier ministre a décrit dans une interview au journal sénégalais L’Observateur les membres de la société civile comme “des gens qui ont des opinions politiques [sans avoir] le courage de participer au jeu politique", “des politiciens voilés, des hypocrites qui ont peur de s’affirmer”. Le premier ministre a également accusé les acteurs de la société civile de “s’arborer d’un manteau politique” en vue “d’empester l’air” des politiciens.

L’Observatoire s’inquiète par ailleurs de l’annonce de nouvelles mesures répressives à l’encontre de la société civile par les autorités sénégalaises. Le directeur général des impôts du Sénégal, M. Amadou Bâ, a notamment déclaré le 18 juin que le Sénégal envisageait d’aller “jusqu’à la suppression des exonérations fiscales accordées aux ONG qui ont failli a leur mission”.

L’Observatoire condamne fermement ces menaces, actes de violence et d’intimidation et propos diffamatoires à l’encontre de la société civile sénégalaise et de MM. Tine et Diallo en particulier, qui visent manifestement à entraver leurs actions pacifiques de défense des droits de l’Homme.


Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités Sénégalaise en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Alioune Tine et Oumar Diallo, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Sénégal ;

ii. Mener une enquête indépendante sur les actes de violence et menaces décrites ci-dessus, afin que leurs auteurs soient identifiés et dûment jugés et sanctionnés conformément à la loi congolaise et aux dispositions internationales en matière de protection des droits de l’Homme ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme au Sénégal, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

 son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

 son article 5, qui prévoit que "afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, aux niveaux national et international : a) de se réunir et de se rassembler pacifiquement ; b) de former des organisations, associations ou groupes non gouvernementaux, de s’y affilier et d’y participer” ;

 son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres : a) de détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ; c) d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question” ;

 et son article 12.2 qui prévoit que “l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration.”

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Sénégal.


Adresses :

· M. Abdoulaye Wade, Président de la République. Palais présidentiel, Avenue Leopold Sedar Senghor, BP 4026, Dakar, Sénégal. Tel : + 221 890 90 90. Fax : + 221 823 28 40 / + 221 821 86 60.

· M. Souleymane Ndéné Ndiaye, Premier ministre, Cabinet du premier ministre, Bâtiment administratif BP 4029, Dakar, Sénégal. Tel : + 221 889 69 13 / 849 18 02 / 889 69 69 ; Fax : + 221 823 44 79.

· Me Madické Niang, Ministre d’Etat, Ministère des affaires étrangères : Place de l’indépendance, Dakar, Sénégal. Tél. : + (221) 889 13 00 / 823 53 42 / 823 36 78 ; Fax : + (221) 823 54 96 / 823 84 88.

· Cheikh Tidiane Sy, Ministre d’Etat, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Bâtiment Administratif BP 4030, Dakar, Sénégal. Tel : + 221 849 76 28 / 849 70 00 / 823 50 24 / Fax : + 221 823 27 27.

· M. Ousmane Ngom, Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur et des collectivités locales ; Pl. Washington - Bd de la République BP 4002 ; Dakar, Sénégal. Tel : + 221 821 00 89 / 889 91 00 / Fax : + 221 821 05 42.

· Mission permanente du Sénégal auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, 93 rue de la Servette, 1202 Genève, Suisse, Fax : +41 22 740 07 11 ; Email : mission.senegal@ties.itu.int

· Ambassade du Sénégal à Bruxelles, 196 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Tel : + 32 2.673.00.97, Fax : + 32 2.675.04.60

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Sénégal dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 24 juin 2011

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de l’OMCT et de la FIDH, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Le projet de loi sur le "ticket présidentiel" a fait l’objet de nombreux débats ces derniers mois puisqu’il pourrait instaurer, si la loi est votée, une procédure prévoyant l’élection simultanée d’un président et d’un vice-président de la République, permettant alors au président en fonction de faciliter l’accès au pouvoir à son vice-président lors des élections à venir.

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