Actes de harcèlement à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes - BHR 002 / 0411 / OBS 061

15/04/2011
Appel urgent
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L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Bahreïn.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé par des sources fiables du harcèlement dont fait l’objet un certain nombre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes qui ont appelé à la grève afin de protester contre la répression violente menée par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques qui réclamaient le respect des droits de l’Homme et une transition vers la démocratie pour leur pays, ou qui ont apporté un soutien aux victimes de cette répression.

Suite à la vague de manifestations pacifiques qui a débuté en février 2011 et qui s’est heurtée à un usage excessif de la force de la part des autorités du Bahreïn, la Fédération générale des syndicats du Bahreïn (General Federation of Bahrain Trade Unions - GFBTU), à laquelle plus de 60 syndicats sont affiliés, avait d’abord annoncé une grève générale dans le pays pour dénoncer le meurtre par des militaires et des membres des forces de sécurité, les 14 et 15 février 2011, de manifestants pacifiques qui appelaient à des réformes. Cette grève a pris fin le 20 février, après le retrait de l’armée de la place de la Perle, le 19 février. Le 13 mars 2011, la GFBTU a lancé un appel à la grève illimitée, en solidarité avec les manifestants qui, le même jour, avaient été violemment expulsés du quartier adjacent au port financier de Bahreïn. Cette grève a pris fin le 22 mars 2011, lorsque le Gouvernement a assuré à la GFBTU que les travailleurs ne seraient pas harcelés en retournant au travail.

Suite à ces événements, le 5 avril 2011, le Parlement a demandé au Gouvernement d’intenter de manière immédiate des poursuites judiciaires à l’encontre des responsables des organisations ayant soutenu les grèves, et de les transmettre au bureau du Procureur général.

À ce jour, la GFBTU a rapporté le nombre de 603 licenciements de travailleurs par des employeurs privés, en raison de leur participation à la grève.

L’Observatoire a par ailleurs été informé de l’arrestation sans mandat, les 29 et 30 mars 2011, à leur domicile, de Mme Jaleela Al-Salman, Mme Anwar Abdul-Aziz Akbar, Mme Salah Al-Bari, Mme Afrah Al-Asfour et Mme Sana Abdul-Razak, cinq membres du conseil d’administration de l’Association des enseignants de Bahreïn (Bahrain Teachers’ Society - BTS), par des membres des forces de sécurité et des individus en civil. A ce jour, toutes restent détenues dans un lieu inconnu. En outre, le 6 avril, le ministre du Développement social a publié un décret ordonnant la dissolution de la BTS. Le même jour, les forces de sécurité ont pris d’assaut la maison de M. Mahdi Abu-Deeb, président de la BTS, puis ont procédé à son arrestation dans une autre maison et l’ont conduit dans un lieu tenu secret, où il resterait également détenu à ce jour. L’Observatoire craint que ces six personnes aient été arrêtées en raison de leur soutien à l’appel à la grève mentionné ci-dessus.

Le 4 avril 2011, Mme Rulla El Saffar, présidente de l’Association des infirmières du Bahreïn (Bahrain Nursing Society - BNS), a été convoquée par téléphone au Département des enquêtes criminelles d’Adliya, d’où les forces de sécurité l’ont emmenée vers un lieu tenu secret. Elle avait fourni des soins aux victimes blessées durant les manifestations.

En outre, le 6 avril 2011, le ministre du Développement social a publié un décret ordonnant la suspension du conseil d’administration de l’Association médicale de Bahreïn (Bahrain Medical Society - BMS), tandis que le ministère de la Santé a suspendu 30 médecins et infirmières, dont les dossiers ont été transmis à une "commission d’enquête" créée par le ministère. Le mandat de cette commission consiste à enquêter sur le personnel médical ayant apporté des soins aux victimes blessées durant les manifestations.

L’Observatoire a également été informé de l’arrestation, le 11 avril 2011, du Dr. Nabeel Tamman, ORL, membre de l’Association des droits de l’Homme de Bahreïn (Bahrain Human Righs Society - BHRS), et ancien président de la commission médicale. Il a été conduit par les forces de sécurité dans un lieu tenu secret. Le Dr. Tamman est actuellement sous traitement afin de lutter contre un cancer, et nécessite la prise de médicaments ainsi que des soins médicaux de manière constante.

D’autre part, M. Abdul Ghaffar Abdullah Hussein, l’un des fondateurs du mouvement syndical du Bahreïn et président du syndicat de la Compagnie pétrolière du Bahreïn, a été licencié le 31 mars 2011 pour avoir "appelé les travailleurs à prendre part à la grève générale". La direction de la Compagnie pétrolière du Bahreïn a menacé de le poursuivre en justice, en compagnie d’autres membres du syndicat.

L’Observatoire condamne la répression des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, qui manifestement vise uniquement à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme. L’Observatoire exprime son inquiétude suite aux arrestations et aux intimidations à l’encontre des personnes soutenant des manifestations pacifiques, ainsi qu’à l’encontre du personnel médical ayant procuré des soins aux manifestants blessés.

L’Observatoire demande aux autorités du Bahreïn de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la protection de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Bahreïn et, plus généralement, de se conformer à la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée le 9 décembre 1998 par l’Assemblée générale des Nations unies, à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ainsi qu’aux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Royaume de Bahreïn, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Actions requises :

L’Observatoire vous pris de bien vouloir écrire aux autorités du Bahreïn en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des dirigeants syndicaux et syndicalistes mentionnés ci-dessus ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Bahreïn ;

ii. Mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris aux niveaux administratif et judiciaire, à l’encontre des syndicats, des organisations de défense des droits de l’Homme et de leurs membres, ainsi qu’à l’encontre de tous les défenseurs au Bahreïn ;

iii. Garantir en toutes circonstances l’indépendance des organisations de défense des droits de l’Homme et prévenir toute interférence dans leurs activités, comme la suspension de leurs comités de direction ou leur dissolution ;

iv. Se conformer en toutes circonstances aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée le 9 décembre 1998 par l’Assemblée générale des Nations unies et plus particulièrement :

 à son article 1 qui prévoit que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”,

 à son article 5 (a) et (b), qui dispose que “afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, aux niveaux national et international : a) de se réunir et de se rassembler pacifiquement ; b) de former des organisations, associations ou groupes non gouvernementaux, de s’y affilier et d’y participer”,

 à son article 6 (c), qui prévoit que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question” ,

 à son article 10, qui dispose que “nul ne doit participer à la violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales en agissant ou en s’abstenant d’agir quand les circonstances l’exigent, et nul ne peut être châtié ou inquiété pour avoir refusé de porter atteinte à ces droits et libertés”,

 et à son article 12.2, qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

v. Garantir en toutes circonstances le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, conformément aux normes et instruments internationaux ratifiés par le Bahreïn.

Adresses :

· Cheikh Hamad bin Issa AL KHALIFA, Roi du Bahreïn, Fax : +973 176 64 587

· Cheikh Khaled Bin Ahmad AL KHALIFA, Ministre des affaires étrangères, Tel : +973 172 27 555 ; Fax : +973 172 12 6032

· Cheikh Khalid bin Ali AL KHALIFA, Minister of Justice and Islamic Affairs, Tel : +973 175 31 333 ; Fax : +973 175 31 284

· Mission permanente du Bahreïn auprès des Nations unies à Genève, 1 chemin Jacques-Attenville, 1218 Grand-Saconnex, CP 39, 1292 Chambésy, Suisse. Fax : + 41 22 758 96 50. Email : info@bahrain-mission.ch

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Bahreïn dans vos pays respectifs.

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