15 ANS APRES LE GENOCIDE, LA JUSTICE FRANCAISE DOIT JUGER LES PRESUMES GENOCIDAIRES PRESENTS SUR LE TERRITOIRE FRANCAIS

A l’occasion de la commémoration du génocide perpétré au Rwanda en 1994, le Collectif des parties civiles rwandaises (CPCR), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) expriment leur inquiétude sur l’état des poursuites engagées en France contre des présumés génocidaires rwandais.

Nos organisations dénoncent en effet la lenteur de la justice française à instruire des affaires à l’encontre des présumés génocidaires ayant trouvé refuge en France. Ainsi, l’information judiciaire ouverte depuis 1995 à l’encontre de l’Abbé Wenceslas Munyeshyaka au Tribunal de Grande Instance de Paris est toujours pendante, malgré la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme, le 10 juin 2004, pour non respect du Droit à un délai raisonnable.

Les juges d’instruction en charge de ces dossiers auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris manquent de façon criante des moyens nécessaires pour instruire véritablement les dossiers dont ils ont la charge. Par ailleurs, la complexité de ces dossiers rwandais requiert une exclusivité de temps et de compétence. Ceci n’est malheureusement pas le cas, les juges d’instruction n’étant nullement déchargés des autres affaires qu’ils ont par ailleurs à traiter.

Ainsi, à l’instar de ce qui a été fait dans un certain nombre d’Etats, (suivant ainsi la résolution cadre du Conseil de l’Union Européenne de 2003), le CPCR, la LDH et la FIDH recommandent la création en France d’un pôle spécialisé sur les crimes internationaux. Ce pôle, composé de juges d’instruction et d’enquêteurs spécialisés permettrait à ces affaires d’être effectivement instruites.

D’autre part, nos organisations signataires dénoncent également l’inertie du Parquet qui, en dépit d’informations nombreuses en sa possession, n’a pas, à ce jour, engagé de poursuites contre quatre présumés génocidaires, Messieurs Issac Kamali, Pascal Simbikangwa, Claver Kamana et Marcel Bivugabagabo, pour lesquels les autorités judiciaires françaises ont refusé l’extradition au Rwanda en 2008, estimant qu’ils n’y bénéficieraient pas de garanties judiciaires suffisantes. Nos organisations rappellent à cet égard que toutes les procédures en cours contre de présumés génocidaires rwandais l’ont été à l’initiative de nos organisations qui se sont constituées parties civiles à cet effet.

Cette inertie du Parquet, en dépit des obligations internationales de la France, démontre une fois encore le caractère dangereux du projet de loi d’adaptation français de la loi sur la compétence universelle qui confie le monopole des poursuites au parquet s’agissant des crimes contre l’humanité, crimes de génocide et crimes de guerre.

Enfin, nos organisations demandent aux autorités françaises de donner suite dans les meilleurs délais au transfert aux juridictions françaises des dossiers du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), dans le cadre de la stratégie d’achèvement de ses travaux.

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